Kiribati, South Pacific
Une nation sous les eaux
Les Kiribati sont un État insulaire constitué de 33 îles dispersées sur plus de 3,5 millions de kilomètres carrés dans l’océan Pacifique. Les deux tiers de ses terres sont situés à moins de deux mètres du niveau de la mer, ce qui rend le pays particulièrement vulnérable à la montée des eaux. Voici l’histoire de trois générations d’une famille locale, une histoire de celles et ceux qui doivent faire face aux changements climatiques.
Tiaho (55 years)
Mon nom est Tiaho, je vis aux Kiribati. C’est un endroit où nous avons de fortes traditions, une culture enracinée. Les îles sont très importantes pour notre peuple. Notre terre, c’est la vie pour nous*. Nous sommes fiers d’être I-Kiribati.
La mer était notre amie quand j’étais enfant.
On pêchait, on jouait dans l’eau et on collectionnait les coquillages. La mer ne s’approchait jamais beaucoup, même pendant les hautes marées, et les plages étaient merveilleuses. Du sable blanc. On vivait au paradis. Des arbres verts partout, des palmiers, des mangroves.
On se rendait à ma plage préférée et on nageait, Toutes les familles cuisinaient au bord de la plage. Cette plage n’existe plus aujourd’hui.
Elle a disparu sous les eaux.
- Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, la température sur Terre a augmenté de 0,85 degré Celsius entre 1880 et 2012. Cela a suffi pour provoquer la fonte des glaciers et une hausse du niveau des mers. Cette hausse a été évaluée à 3,2 mm par année entre 1993 et 2010. Et aux Kiribati, on s’attend à ce que le niveau de l’océan s’élève de 9 à 28 cm d’ici 2055, avec un impact important sur l’effet des tempêtes et les des inondations côtières.
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Chaque jour, lorsque la marée est haute, l’eau monte jusqu’à notre maison. Mon fils, Taito construit un mur pour protéger la maison. On espère qu’un jour ce mur sera assez haut et assez fort, surtout pendant les tempêtes.
Les scientifiques disent que dans les 25 prochaines années nous serons sous l’eau, que nous ne pourrons plus vivre ici. Ça me fend le cœur. Mes enfants et leurs enfants ne connaîtront jamais les Kiribati comme je les ai connues.
Taito (34 ans)
Mon nom est Taito. Chaque jour, lorsque la marée est basse, je marche loin pour ramasser du corail.
Et je construis le mur qui protège notre maison, comme une forteresse. Ma mère, Tiaho, a grandi ici. On vit dans une maison modeste, bâtie par ses grands-parents. On y a toujours vécu.
Un jour, notre terrain sera submergé par les eaux. Mais je n’arrêterai jamais d’essayer de sauver ma maison.
Le corail est solide. Il casse les vagues.
Je ne peux pas utiliser des pierres; l’eau parvient toujours à détruire un mur de pierres.
Notre eau potable, que nous avons toujours puisée dans nos puits, est contaminée chaque fois que nous sommes inondés. C’est un problème sérieux pour la santé de ma famille. L’eau des puits rend mes enfants malades. Malheureusement, ça arrive souvent.
Nous avons dû nous adapter et construire un système permettant de recueillir l’eau de pluie.
- Les changements climatiques aggravent toutes les vulnérabilités des habitants des Kiribati. L’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires est devenu problématique. La densité de la population a provoqué une surexploitation des ressources naturelles. Les maladies (telles que la diarrhée et celles provoquées par la malnutrition) sont monnaie courante sur les îles.
- Le cholera a frappé les îles en 1977, et la dengue, en 2003 et 2004. Ces maladies viennent des moustiques, et l’on sait que des températures plus chaudes, des précipitations plus intenses et l’élévation du niveau des mers peuvent aggraver la situation. Ces mêmes phénomènes mènent aussi à la contamination de l’eau potable.
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Le gouvernement nous parle de quitter le pays. De trouver une nouvelle maison pour nous tous ailleurs. Mon frère, Toatu, est parti en Nouvelle-Zélande. Il a été choisi après avoir participé à une loterie.
Il va se former à un nouvel emploi, et sa famille le rejoindra une fois qu’il travaillera.
Je connais aussi d’autres personnes qui ont immigré et trouvé du travail à l’étranger ; j’ai même entendu parler de personnes qui ont essayé de partir en tant que réfugiés ! Le processus d’immigration est si complexe, et les règles semblent changer constamment. Je ne veux pas partir. Nous sommes attachés à notre maison. Et que ferais-je dans un autre pays ? Le mode de vie est si différent ! Comment pourrions-nous payer une maison là-bas ?
Mon frère dit que la vie est très difficile pour lui. Il ne sait pas s’il trouvera un jour les moyens pour revenir nous voir. J’étais triste quand il est parti, toute la famille savait que c’était peut-être la dernière fois que nous le voyions.
Voilà. C’est pour ça que j’espère que ma femme, mes enfants et moi pourrons rester ici. Comment pourrais-je être I-Kiribati, si je devais vivre ailleurs, sur la terre de quelqu’un d’autre* ? Comment recommencer ailleurs?
- Les personnes qui doivent quitter leur pays en raison des changements climatiques n’ont pas le statut de réfugiés selon le droit international. Il n’y a aucune catégorie juridique pour elles. Très souvent, ces personnes migrent dans leur propre pays, mais si elles veulent traverser une frontière, les choses se compliquent. La Nouvelle-Zélande a créé un visa particulier pour les migrant.e.s des îles du Pacifique. Chaque année, ce pays offre la résidence permanente à 75 personnes venant des Kiribati. Les candidat.e.s doivent être âgé.e.s entre 18 et 45 ans et doivent prouver qu’elles/ils sont en possession d’une offre d’emploi une fois arrivé.e.s en Nouvelle-Zélande et qu’ils sont capables de subvenir à leurs besoins.
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Anna (10 ans)
Je m’appelle Anna. J’ai 10 ans. J’habite à Kiribati.
À l’école, on nous parle beaucoup des changements climatiques. On nous apprend que ces changements, c’est à cause de l’activité humaine, que ça a plein d’impacts, comme la mer qui monte, les températures aussi, et la météo qui devient instable.
Notre enseignant nous dit que nous devons trouver des moyens d’empêcher « l’érosion des sols » ; je ne savais pas ce que c’était. Je sais maintenant que cela signifie que la couche supérieure du sol est emportée par le vent ou emportée par l’eau. Lorsque cela se produit, cela peut nuire aux arbres, aux plantes et à la croissance des aliments. Mon enseignant nous a demandé de faire des dessins pour montrer les moyens d’empêcher l’érosion du sol. J’ai appris que nous pouvons planter des palétuviers et construire des digues.
Notre maison est inondée souvent. C’est arrivé une fois la nuit et mon père a dû me porter pour me sortir de la maison. Ma mère pleurait. Alors oui, les changements climatiques nous font peur à mes amis et moi. On se demande ce qui va se passer si la mer monte encore et si on doit partir d’ici.
Parfois, nous tombons malades à cause de l’eau lorsqu’elle est sale après une inondation.
C’est très effrayant quand les bébés tombent malades, ils deviennent très faibles et parfois ils meurent. Ma maman s’inquiète toujours et se demande si l’eau est propre. Elle ne nous laisse pas la boire, mes frères et moi, avant qu’elle soit bouillie. J’ai entendu dire que mon gouvernement essaie de trouver des solutions pour nous. Les gouvernements du monde entier essaient aussi de faire ce qu’ils peuvent pour ralentir les changements climatiques.
Certaines personnes disent que tout le monde devra quitter notre pays dans les 25 prochaines années si nous n’arrêtons pas la montée des eaux. J’aurai alors 35 ans et peut-être même des enfants à moi.
« Une fois que tu as quitté ta patrie, tu commences à perdre ta culture » , dit mon père, mais je sais que je ne pourrais jamais oublier mon pays. Je veux juste être en bonne santé et heureuse, et avoir un endroit sûr où vivre à l’avenir.
- L’ancien président Anote Tong avait activement plaidé en faveur de politiques strictes de réduction des émissions de carbone sur la scène internationale et acheté des terres aux îles Fidji comme destination potentielle pour la relocalisation planifiée d’une partie de la population. Son successeur, Taneti Maamau, a modifié l’orientation des politiques en matière de changements climatiques et prévoit de surélever artificiellement l’île de Tarawa de 0,5 à 1 m.
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